Interview Arthur Munoz : Animateur Gameplay Combat & Créatures
- Vanessa
- 7 oct.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 oct.
Arthur Munoz, 15 ans d'expérience en animation gameplay, dont 12 années chez Spiders Games .
Aujourd'hui freelance chez Moon Studio sur No Rest for the Wicked, Arthur a bâti son expertise sur l'animation de combat et de créatures , deux domaines techniques exigeants où chaque frame compte.
Au travers de cette interview Arthur partage sa vision de l'animation gameplay : comment transformer les contraintes en créativité, collaborer efficacement avec les game designers, et construire une carrière freelance dans l'industrie du jeu vidéo.

Raconte-nous ton parcours d'animateur gameplay : tes débuts, les moments qui ont marqué ton évolution

Je suis animateur depuis une quinzaine d’années et j’ai eu la chance de traverser des expériences très variées, qui m’ont forgé autant techniquement qu’artistiquement.
J’ai commencé chez Spiders Games, où j’ai passé 12 années à travailler sur plusieurs titres comme Greedfall ou Steelrising.
Cette longue période m’a donné une vraie solidité dans le pipeline de production, mais aussi une culture de la polyvalence, car dans une structure comme Spiders, il faut savoir toucher à tout : rigging, cinématique, gameplay…
J’y ai beaucoup appris sur la communication entre les départements et sur l’importance de comprendre les contraintes de chacun pour faire avancer efficacement un projet.
Ensuite, j’ai choisi de passer en freelance. Ce virage m’a ouvert à des collaborations internationales, notamment avec Lightspeed Studio sur The Last Sentinel, par l’intermédiaire de Superseed Studio.
J’ai aussi travaillé sur des productions très différentes comme Prince of Persia: The Lost Crown, Wayfinder, , ou encore The Last Faith.
Aujourd’hui, je suis à plein temps avec Moon Studio sur No Rest for the Wicked.
À côté, il m’arrive d’avoir quelques collaborations ponctuelles avec d’autres studios, comme Tarsier Studio sur Reanimal ou Motion Twin avec Windblown.

Comment arrives-tu à rester créatif tout en respectant les nombreuses contraintes techniques du gameplay ?

Pour moi, la créativité vient justement de ces contraintes.
Quand on sait que l’animation doit rester lisible, réactive, et surtout plaisante en main, on est obligé de trouver des solutions inventives.
Plutôt que de voir la technique comme un frein, je la vois comme un cadre qui aiguise ma créativité.
J’aime travailler par itérations rapides : poser une intention claire dans le blocking, tester in-game le plus tôt possible, et ensuite enrichir tout en respectant le timing imposé par le gameplay.
C’est un équilibre permanent entre le “style” qu’on voudrait pousser et la fonctionnalité que le joueur attend.
À côté de ça, je pense qu’il est important de rester toujours inspiré par d’autres œuvres, que ce soit d’autres jeux, des films ou encore des bandes dessinées dans mon cas.
Ça nourrit mon imaginaire, m’aide à varier les références, et évite de tourner en rond en restant enfermé uniquement dans l’univers du projet.

Comment se passe la collaboration avec les game designers dans ton équipe ? Qui décide quoi ?

C’est une collaboration permanente, et pour moi, c’est l’un des aspects les plus stimulants du métier.
Le game designer définit les besoins mécaniques : vitesse, portée, fenêtres d’action, cancel, etc.
Mon rôle, c’est de donner vie à ces mécaniques de façon lisible et satisfaisante.
Idéalement, c’est un dialogue : parfois, l’animation amène des idées de gameplay qu’ils n’avaient pas envisagées, parfois le design nous oblige à simplifier un mouvement pour des raisons de réactivité.
Chez Moon Studio par exemple, il y a beaucoup d’allers-retours constants entre animation et design.
Je ne crois pas qu’il y ait un “qui décide” figé. C’est vraiment une construction à deux voix, avec le joueur au centre.

Comment gères-tu les animations qui doivent fonctionner sur plusieurs personnages/rigs différents ?

La première étape, c’est de penser le pipeline pour que les rigs puissent déjà partager les animations.
Rien que ça, c’est un énorme gain : si les proportions et la direction d’animation ne sont pas trop éloignées, on peut transférer facilement et éviter beaucoup de retravail manuel.
Ensuite, je trouve très utile de prévoir une banque d’animations commune.
Ça permet aux game designers de piocher dedans et d’avoir immédiatement des animations temporaires pour tester des prototypes.
On gagne du temps, et on peut valider rapidement une idée de gameplay sans attendre une animation spécifique finalisée.
Bien sûr, il y a toujours des cas où il faut réadapter ou retoucher manuellement pour coller parfaitement au personnage, mais poser cette base technique et organisationnelle change vraiment la donne.

Tu mentionnes avoir une passion pour l'animation de combat et de créatures. Qu'est-ce qui t'attire spécifiquement dans ces domaines ?

Le combat est souvent au centre des mécaniques de jeu.
J’aime le penser comme une chorégraphie subtile, presque comme une danse : chaque mouvement, chaque intention doit être lisible et raconter ce qui se cache derrière ces gestes — la lutte que mènent les personnages, à travers leurs émotions et leur vécu.
Il s’agit de décrire l’action avec beauté et sens, tout en restant fidèle aux exigences du gameplay et du lore.
Je suis aussi un gros fan de “bagarre” en général : ayant grandi dans les années 90, toute la culture des mangas comme Dragon Ball, des comics Spider-Man, et des films d’action de cette époque a forgé une culture ancrée dans mon imaginaire, qui influence énormément mon approche de l’animation de combat.
Quant aux créatures, elles me permettent de sortir des schémas humains et d’explorer des gestuelles inédites.
J’adore imaginer comment une créature respire, attaque, se déplace.
Le défi technique, c’est de garder ces mouvements crédibles et lisibles, tout en étant spectaculaires.
Ça oblige à une vraie recherche : zoologie, biomécanique, mais aussi exagération pour coller au jeu vidéo.
Et puis il y a tout cet imaginaire de l’épique que j’adore : créer des panoramas incroyables qui opposent des monstres face aux héros, générer une vraie adversité, et plonger le joueur dans une aventure marquante.

Comment vis-tu ton statut de freelance dans l'industrie du jeu vidéo ? Quels sont les avantages et défis de ce mode de travail pour un animateur gameplay ?

Le freelance, c’est à la fois une liberté incroyable et une discipline constante.
L’avantage principal, c’est que je peux choisir mes projets, ce qui est un luxe énorme après plusieurs années de carrière.
Je peux alterner entre des projets plus artistiques, des collaborations de longue durée, et des expériences courtes mais enrichissantes.
Le défi, c’est la gestion de soi : savoir dire non, maintenir une charge de travail réaliste, et gérer la paperasse.
Et puis il faut rester visible et connecté dans l’industrie, parce que le réseau est essentiel.
Mais globalement, ce statut m’apporte un équilibre entre vie pro et perso que je n’avais pas en studio.
Le fait de travailler à la maison m’offre une grande flexibilité pour ma vie de famille, ce qui est précieux pour moi aujourd’hui.

Pour finir, peux-tu partager un conseil, une technique ou une approche que tu recommanderais spécifiquement aux animateurs gameplay ? Quelque chose que tu aurais aimé savoir plus tôt dans ta carrière ou une leçon importante que tu as apprise.

Inspirez-vous toujours d’autres artistes. Observez ce qui se fait ailleurs pour nourrir votre créativité.
Restez motivé et essayez de comprendre leur façon de travailler. Comprendre le workflow des autres peut beaucoup vous apprendre.
Développez constamment de nouvelles compétences autour de votre métier. Pour un animateur, cela peut être le jeu d’acteur, les arts martiaux, la danse, l’anatomie, le rigging, le modeling, etc.
Trouvez toujours des références avant de commencer. Faites vos recherches et regardez ce qui a été fait par d’autres pour enrichir vos idées.
Travaillez toujours par itérations. Du macro au micro, de la vision globale jusqu’aux détails.
Collaborez avec votre équipe. Partagez, communiquez et apprenez d’eux.
Planifiez votre travail. Développez votre workflow et adoptez-le.
Apprenez de vos erreurs. Chaque échec est une leçon pour progresser.
Tenez un journal de vos travaux pour garder une trace de vos décisions et des expérimentations.
Maintenez un bon équilibre vie pro / vie perso et amusez-vous !
Trois choses à retenir de cette interview :
La créativité naît des contraintes. Arthur ne voit pas les limitations techniques comme des obstacles, mais comme un cadre qui guide sa créativité.
Le dialogue permanent avec le game design est essentiel. L'animation gameplay ne se fait pas en silo — c'est une construction à deux voix avec le joueur au centre.
Le freelance offre une liberté, mais demande une discipline. Équilibre vie pro/perso, gestion rigoureuse, et réseau solide sont les clés.
Merci à Arthur pour cette interview riche et généreuse !
Retrouvez Arthur Munoz : LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/arthur-munoz/ Instagram : https://www.instagram.com/arthurmunozanimation/
Quelle partie de l'interview vous a le plus inspiré ?
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